• 61ème RAGBR : star party au col de Restefond

    Afin de profiter pleinement de la nouvelle Lune du mois d'août et du fait que bon nombre d'entre nous sont encore en congés à cette période, notre groupe d'astronomes amateurs provençaux a décidé de retourner observer sous l'un des meilleurs ciel de France, celui du col de Restefond dans les Alpes du Sud.

    Pour cette session 2014 les candidats au voyage sont nombreux même si la météo montagnarde à la fin du mois d'août peut se révéler particulièrement capricieuse et qu'on ne sait jamais trop quel temps nous allons avoir réellement.

    Avec Florian nous arrivons en cours d'après-midi sur le site des prairies ou nous retrouvons quelques astronomes déjà installés.

    La température est plus douce que ce à quoi nous nous attendions, c'est plutôt une bonne surprise. Nous effectuons un petit tour du camp pour saluer nos amis astronomes puis nous nous dépêchons d'installer la tente et les instruments car le Soleil commence déjà à décliner.

    Au dessus de nos têtes le ciel est encore chargé de cirrus ce qui provoque l'apparition d'un très beau parhélie très coloré. C'est un spectacle assez fréquent au Restefond.

    C'est toujours un plaisir de se retrouver dans ce site d'alpage hautement dominé par le mineral. Les sommet alentours deviennent sublimes au moment ou le Soleil les illuminent de ses derniers rayons.

    C'est en fin d'après-midi  que notre ami et grand coordinateur Benjamin arrive avec le ravitaillement et surtout le barnum qui sera tout au long du séjour le lieu de vie et de convivialité où nous aimons nous retrouver. D'ailleurs nous ne tardons pas à l'inaugurer avec le premier apéro de ce Restefond 2014.

    Celui-ci nous aide à nous réchauffer car la nuit s'installe et la température chute brutalement. Le temps du repas le ciel s'est grandement dégagé, les observations vont pouvoir commencer.

    Je sens que l'atmosphère est humide donc je préfère me cantonner à des cibles basses afin d'éviter que la buée envahisse les optiques. Je choisis de faire un tour vers la constellation du Sagittaire et sa belle nébuleuse de la Lagune M8. Dans un ciel aussi noir jusqu'à l'horizon (mesure SQM de 21,63) cette région HII se dévoile sous son plus beau jour. Avec le filtre UHC le spectacle devient même très intéressant, les détails sont nombreux.

    Sa région la plus brillante appelée le "verre de montre" est riche en détails, elle abrite une petite structure brillante en forme de sablier. La nébuleuse apparaît coupée par des chenaux sombres qui lui ont valu le surnom de "lagune".

    M8 nebula

    La nébuleuse M8 et l'amas ouvert NGC 6530 - Sagittaire
    Télescope Sumerian Canopus de 381 mm à 77x (Nagler 22 mm + UHC)
    Restefond (05) - SQM 21,60

    Le dessin de M8 m'a occupé un bon bout de temps, il est désormais plus de minuit. La constellation de Cassiopée gagne de la hauteur vers le nord-est et j'en profite pour pointer la comète C/2014 E2 Jacques qui se trouve ce soir juste à côté de l'étoile Epsilon Cassiopée (3,3m).  Je découvre une belle boule diffuse au coeur plus brillant et au bord diffus. Elle semble être de 7m, elle est donc bien lumineuse, par contre je n'ai perçu aucune queue.

    C/2014 E2 Jacques

    La comète C/2014 E2 Jacques
    Télescope Sumerian Canopus de 381 mm à 171x (Ethos 10 mm)
    Restefond (05) - SQM 21,60

    Malheureusement l'humidité commence à se déposer sévèrement le miroir secondaire de mon Canopus 381 mm se couvre de buée. Pareil pour l'oculaire et le chercheur. Mes amis n'ont pas plus de chance et petit à petit le terrain d'observation se vide. Nous rejoignons nos tentes et nos couchages gelés, dehors il fait -5°C !

      

    2ème journée

      

    La nuit a été difficile, le froid saisissant a perturbé le sommeil de bon nombre d'entre nous. Mais les premiers rayons de Soleil sont là, il nous réchauffe et nous redonne le moral. Après un bon petit déjeuner nous jetons un coup d'oeil à notre étoile, le Dobson de 300 mm de Vincent équipé de son filtre de protection et de sa vision binoculaire nous offre une vision particulèrement détaillée de la surface solaire. A vrai dire je l'ai rarement vu aussi nettement. Les taches sombres apparaissent très structurées et on devine parfaitement les facules blanches et les bulles convectives des grains de riz. 

    Vincent prépare son 300 mm

    Après l'observation solaire nous profitons du beau temps pour explorer les environs et pour faire la visite rituelle au rocher de la tête de Lion. 

    Même si nous sommes en altitude (près de 2500 m) et qu'à cette hauteur les arbres se font rares, la faune et la flore des alpages est bien présente.

    Fleur de joubarbe

    Un des nombreux champignons "vesse de loup" qui tapissent les patûrages

    Une cicindelle, un coléoptère prédateur

    Le grand air çà ouvre l'appétit, il est temps de passer à table et de déguster la somptueuse salade de gésiers et lamelles de canard fumé.

    L'ambiance est presque estivale et le ciel bleu incite les astronomes à préparer leurs instruments.

    Vincent, le docteur colim' du groupe en pleine séance de réglage de l'Orion 254 mm de Florian

    Patrick et son Epsilon Takahashi dédié à l'astrophotographie

    Malheureusement nous allons vite déchanter car le ciel se couvre de nuages menaçants, çà sent la pluie ....!

    Et ce qui devait arriver, arriva. Vers 17h la pluie se met à tomber et nous allons rentrer dans un épisode d'humidité absolue qui va durer jusqu'au lendemain ... Alors que les astronomes cherchent désespérément de l'eau liquide sur les autres planètes, une chose est sûre sur Terre on en manque pas ! Du moins au Restefond ...

    Les teléscopes sont bachés, les tentes calfeutrées, les observateurs emmitouflés au possible pour faire barrage à cette humidité qui nous submerge. Alors que la nuit tombe, le barmum salvateur nous offre un refuge de chaleur humaine et de réconfort.

    Les courageux assistants en cuisine bravent la pluie pour servir l'entrecôte aux cèpes au menu du soir

    Malgré le temps maussage, il y a l'ambiance sous le barnum grace au saxo de Laurent II et la succulente entrecôte aux cèpes de Benjamin.

    Ce soir nous n'observerons pas, le mauvais temps persiste jusqu'au matin, et hormis deux courtes accalmies les gouttes d'eau vont tambouriner la toile de la tente toute la nuit.

     

    3ème journée

    Au réveil tout est détrempé, même le barnum à pris l'eau. Le camp est baigné par la brume. La situation météo nous inquiète car elle ne correspond pas vraiment aux prévisions consultées la veille. Mais petit à petit le voile opaque se déplace vers les hauteurs et quelques rayons de lumière transpercent la grisaille. Le moral revient.

    Les bancs de nuages qui se promènent le long des reliefs nous offrent même un joli spectacle, les choses les plus simples sont souvent les plus belles.

    Par moment on s'imaginerait au bord d'un volcan fumant

    Vers 11h le Soleil est totalement de retour et cela semble durable. Nous en profitons pour faire sécher les bâches des télescopes et filer au torrent rincer les couverts à l'eau froide ....

      çà bosse dur au Restefond !

    Une belle cascade photographiée en contrebas des prairies

    Après l'effort, le réconfort avec un bon apéro ensoleillé au Pisco Sour, boisson ramenée tout droit du Chili par l'ami Fred qui a eu la joie lui aussi de fouler le sol la Terre Sainte Astronomique.

    Fred nous prépare le Pisco Sour, boisson emblématique des RAGBR !

    De nouveaux observateurs arrivent et notre camp commence à ressembler à une grande star-party. On a jamais été aussi nombreux là haut !

    L'après-midi tout le monde s'affaire afin de préparer le matériel pour la nuit. Les télescopes et autres lunettes astronomiques poussent comme des champignons dans les prairies !

    Le "mikado" de 350 mm de Laurent II assemblé avec l'aide de Benjamin et Denis

    El doctor Vincent s'attaque au 114 mm de Fred avant de passer à mon Canopus. Des alignements douteux, un miroir primaire trop haut, un secondaire trop bas, il collimate à tour de bras cet après-midi, rien ne lui résiste !

    Un vautour nous survole et doit se demander quels sont ces objets qui brillent sur l'herbe verte.

    Afin de profiter pleinement de la nuit à venir nous avançons l'heure du repas du soir. Benjamin nous concocte un repas 4 étoiles : Magrets de canard et polenta sauce romarin et miel ...!!! un délice.

    En dessert : bananes flambées au rhum !

    La nuit commence à tomber et le ciel reste dégagé. Privés d'étoiles la veille, les astronomes trépignent d'impatience de goûter à nouveau au merveilleux ciel du Restefond. Dans les lueurs du crépuscules Mars et Saturne en conjonction se distinguent vers le sud-ouest.

    Petit à petit le ciel se tapisse d'une myriade d'étoiles, malheureusement la pluie de la veille nous cause encore des torts, l'humidité est très forte.

    Afin de lutter contre la buée je décide une nouvelle fois d'explorer le Sagittaire au raz de l'horizon sud. De cette façon le tube du Dobson reste couché et subit moins les assauts de l'humidité. Je décide de commencer mes observations en pointant le petit amas globulaire NGC 6624 (7,6m - 8,8') situé tout près de l'étoile Delta du Sagittaire (2,72m). Il est plutôt compact et possède une condensation centrale lumineuse. En vision décalée il révèle une grand nombre de fines étoiles faibles sur son pourtout.

    ngc 6624

    L'amas globulaire NGC 6624 - Sagittaire
    Télescope Sumerian Canopus de 381 mm à 285x (Ethos 6 mm)
    Restefond (05) - SQM 21,60

    La Voie Lactée est magnifique, à l'oeil nu elle révèle une légère teinte verdâtre, comme au Chili.

    Je décale le télescope vers l'est de la "théière" du Sagittaire pour pointer un autre amas globulaire, M55 (6,3m - 19'). Ce dernier est assez bas sur l'horizon est peu d'observateurs s'aventurent à le pointer, mais sous le ciel noir de Restefond il se révèle sans problèmes. A 171x il apparaît même très esthétique, riche de nombreuses étoiles qui parsèment toute sa surface. M55 ne présente pas de condensation centrale notable, il est facile à résoudre dans le télescope de 381 mm.

    M55 globular cluster

    L'amas globulaire M55 - Sagittaire
    Télescope Sumerian Canopus de 381 mm à 171x (Ethos 10 mm)
    Restefond (05) - SQM 21,60

    Se sera ma dernière cible ce soir ... En effet, toutes les optiques finissent par se recouvrir de buée, le Dobson est même suintant. Les instruments de mes amis ne sont pas mieux lotis, et c'est vraiment râlant car la voûte céleste est magnifique ce soir.

    La Voie Lactée le long du Trangle de l'été

    Afin de nous réchauffer un peu nous nous réunissons autour d'un thé à proximité du barnum. Même à l'oeil nu le ciel est un fabuleux spectacle. Confortablement assis dans nos sièges, nous admirons les enchevêtrements sombres et brillants de la Voie Lactée, comptons les étoiles filantes.

    Il me vient alors une idée, essayer de voir la lointaine planète gazeuse Uranus à l'oeil nu. Florian sort une carte et c'est parti pour la traque du petit point faible localisé à proximité des étoiles des Epsilon (4,3m) et Delta (4,4m) des Poissons. Quelques coups d'oeil en vision décalée et effectivement nous devinons quelque chose. En insistant le faible point lumineux devient plus évident, c'est formidable, nous parvenons à observer Uranus de 5,7m à l'oeil nu ! C'est une première pour nous.

    Observation d'Uranus à l'oeil nu simulée avec stellarium

    Bien sûr il nous vient maintenant l'envie de l'observer au télescope, mais ceux-ci ne sont plus opérationnels. La température a encore baissé et de ce fait ils sont maintenant couverts de givre. Le Dobson de 300 mm de Benjamin et Yannis est beaucoup moins atteint que les autres, donc c'est avec lui que nous pointons la géante gazeuse. A 324x nous découvrons un beau petit disque bleu-gris, malheureusement nous sommes incapables de distinguer ses principaux satellites, l'humidité présente sur les optiques absorbe trop de lumière. 

    Uranus planet

    La planète Uranus
    Télescope Meade Lightbridge de 305 mm à 324x (ES 4,7 mm)
    Restefond (05)

    La nuit s'achève avec cette belle observation. Le lendemain nous reprenons la route en direction de Marseille ... Le descente du col tout juste entamée nous regrettons déjà nos verts pâturages. Il n'y a pas de doutes, nous reviendrons !

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 29 Août 2014 à 14:27

    Bonjour,

    L'été a été pas terrible un peu de partout en France. Dans quel coin êtes vous ? Jolie photo en tout cas.

    Laurent

    2
    Laurent II
    Samedi 30 Août 2014 à 19:08

    Coucou Laurent 1er du nom,

    merci pour ce reportage en photos et dessins qui nous laisse de beaux souvenirs.

    Ca m'a donné le goût du ciel de montagne.

    Mais j'aimerais bien un poil moins humide. Je me demande si la montagne de Lure ne ferait pas l'affaire: moins loin et plus sèche.

    3
    Samedi 30 Août 2014 à 23:39

    Salut Laurent ! Merci pour ton message. C'est vrai qu'on a passé de sacrés moments là haut. La montagne de Lune j'ai essayé une fois, c'est un bon site d'observation. Faudrait essayer une fois pour tester et changer un peu de coin.

    A bientôt !

    4
    Samedi 27 Septembre 2014 à 19:15

    merci pour ce reportage. Toujours sympa de pouvoir se reunir entre freekies de l'astro. au moins on se comprend et on parle le meme langage...

    et je me rends compte de la chance que j'ai d'observer a 1000 voire 2000 metres a 30 minutes  et retourner dans mon lit douillet au petit matin...

    Mais bavarder d'astro en français me manque. 

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    5
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 15:18

    Bonjour Alfred,

    Merci pour votre message. Vous observez dans quel coin ?

    6
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 15:22

    je suis dans les montagnes de Salamanque (sierra de Francia), près de la frontière avec le Portugal. une zone sans pollution lumineuse (ou presque,,,)

    7
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 15:31

    Ah OK je vois ! tu es ce Frédéric ;-)

    http://www.casasierrasalamanca.com/gites/tourisme-astronomique.html

    Content de pouvoir échanger avec toi ! Dommage que tu sois si loin, ton coin à l'air bien magnifique et le ciel doit être vraiment pas mal là bas.

    8
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 17:19

    oui, le speudo prete a confusion. Je vois que je commence à être connu! oui c'est un bel endroit pour vivre et faire de l'astro. mais c'est le hasard de l'amour qui m'a fait arriver là. c'est assez marrant d'observer sur les cartes de pollution luminueuse comment au Portugal, ils ont peu de zones noires. pourtaant, si on enlève la côte, les zones rural ne doivent pas etre si peuplées que ça. et pourtant, dès qu'on passe la frontière, on arrive vers des zones plus contaminées. peut etre que les villages sont plus rapprochées entre eux. J'espere que ma zone conservera son ciel encore longtemps. Tiens, je prépare sur mon blog ( http://vacancessalamanque.blogspot.com.es/) un article, un croa illustré des dentelles vues au 500. mais je n'arrive pas à voir la date exacte de l'explosion de la supernova: certains disent 8 a 10.000 ans mais j'ai lu ausii 30.000 a 40.000 ans: tu as une idée de la date? car je voulais faire une intro qui mette en scène l'hypotétique vision en direct de l'explosion para un homme de l'epoque, et c'est la meme chose si il y a 30.000 ans de difference....

    9
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 17:27

    ah une question: je serais interessé par tes 5 tomes des plendeurs du ciel. je peux te les commander?  tu as encore tous les tomes?

    10
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 23:16

    Tu as quand même des copains astrams espagnols dans ton coin pour partager ta passion ?

    Sinon les Dentelles au 500 mm çà c'est du spectacle ! Pour la distance je dirais plutôt 30 000 ans mais on peut trouver plus selon les sources. Le rémanent s'étend sur près de 70 années-lumière avec une vitesse d'expansion de 45 km/s.

    En ce qui concerne mes livres il ne me reste que des tomes 5 (ciel austral) ...

    11
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 23:38

    oui, je vois de temps en temps les copains du club de Salamanque, heureusement...Mais c'est loin pour asssister aux reunions. On se voit quelques fois par an. (la derniere il y a un mois a 2000 metres.

    D'apres une page de l'esa et bien d'autres, entre 5 et 10000 ans pour les dentelles, j'ai meme vu 60.000 sur un site. mais le plus courant c'est 8 ou 10 mille, alors je suis parti sur ça, en plus c'est la periode des pintures rupestres du coin, donc uneperche tendue trop tentante...

    Pour les livres, tu penses les reéditer bientot? (c'est surtout les 4 premiers qu'il me faut...

    12
    Dimanche 28 Septembre 2014 à 23:54

    Pour les livres ce n'est pas évident, les éditions Burriller ont fait faillite ... du coup j'ai attendu qu'il libère les droits d'auteur pour chercher un autre éditeur. Astronomie Magazine bosse sur la 2ème édition du tome 1 depuis 1 ans mais comme ils veulent refaire la pagination à leur goût cela prend du temps. J'espère qu'ils pourront nous proposer quelque-chose de sympa bientôt, j'ai hâte de voir ce que çà va donner.

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