Cette année l'automne est vite arrivé et la grisaille avec lui. Par chance, le week-end de nouvelle Lune de ce début de mois d'octobre ne s'annonce pas trop mal au niveau des prévision météo, du coup nous décidons avec les amis de partir observer dans le Verdon, loin de la pollution lumineuse de la côte provençale. De mon côté c'est la première sortie sous un bon ciel de mon nouveau Celestron CPC 925, un télescope qui m'est déjà très utile pour les soirées d'observation publiques dans le cadre de mon travail, mais qui devrait également me permettre d'aller plus loin en imagerie planétaire. J'espère que les nuits seront claires, afin de pouvoir le tester tant en observation visuelle du ciel profond que sur les planètes.
C'est toujours un plaisir de revenir ici. Dans ce coin isolé du parc naturel du Verdon, nous nous retrouvons entourés par la nature, loin de la civilisation et de ses vicissitudes. Çà fait le plus grand bien !
En cette fin d'après midi le ciel est bien dégagé, la nuit semble prometteuse et nous nous hâtons de monter les télescopes. Le dobson de 406 mm de Gilles est déjà prêt !
Et voilà deux petits ZWO Seestar s50 qui sont eux aussi parés pour de longues heures de photographie des objets du ciel profond. En les installant de jour il seront déjà bien en température lorsque la nuit sera tombée.
A la nuit tombée le ciel est resté sans nuages, les Seestars peuvent commencer les prises de vue. La première cible de la nuit est NGC 7023 (10'x8'), une belle nébuleuse par réflexion située dans la constellation de Céphée. Ce nuage de matière interstellaire est situé à 1610 années-lumière, les astronomes amateurs l'ont surnommée la nébuleuse de l'iris. Elle est éclairée par HD 200775, une étoile jeune et chaude de type Be. Les grains de poussières contenus dans le nuage réfléchissent la lumière bleue de l'étoile centrale.
NGC 7023 - Nébuleuses par réflexion dans Céphée
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 232x10s
Majastres (04)
Quant aux observations visuelles, elles débutent avec les petites galaxies NGC 1 (12,8m - 1,7'x1,2') et NGC 2 (14,2m - 1,0'x0,7') de la constellation de Pégase. Elles apparaissent très modestes dans le télescope de 235 mm. La spirale NGC 1 est la plus lumineuse des deux mais elle demeure faible et sans détails. Elle se révèle comme un disque nébuleux circulaire entourant un petit noyau plus brillant que le halo. NGC 2 n'est perçue qu'en vision décalée, son disque galactique apparaît plus petit que celui de sa voisine, mais il montre une forme clairement étirée dans le sens SE/NO. NGC 1 et 2 ne sont que des voisines apparentes, la première est située à 203 millions d'années-lumière, tandis que la seconde est loin en arrière plan à 313 millions d'année-lumière.
NGC 1 et NGC 2 - Galaxies dans Pégase
Télescope Celestron CPC de 235 mm à 235x (Ethos 10 mm)
Majastres (04)
Le Seestar s50 a fini son stacking de NGC 7023. Je lance maintenant une nouvelle cession d'imagerie sur les nébuleuses IC 63 (10'x3') et IC 59 (10'). Elles sont localisées juste à côté de l'étoile brillante Gamma Cassiopée (variable : 1,6m à 3,0m). Ces nébuleuses de gaz et de poussières sont surnommées "le fantôme de Cassiopée", elle sont situées à 550 années-lumière de nous. Le rayonnement ultraviolet de Navi (Gamma Cassiopée) - qui se situe physiquement à 3 ou 4 années-lumière de IC63 - ionise les atomes d’hydrogène du nuage de gaz, ce qui explique la teinte rougeâtre du "fantôme". Mais ces nébuleuses contiennent également pas mal de poussières qui réfléchissent la lumière bleue de l'étoile. Ce mélange de réflexion et d'ionisation m'a incité à combiner deux images, une prise sans filtre (pour les parties bleues), et une prise à travers le filtre dual Band (Ha et OIII), celui qui est intégré d'origine dans le Seestar. Ainsi, nous pouvoir voir sur le résultat final toute la richesse de la nature physique de ce nuage interstellaire.
IC 63 et IC 59 - Nébuleuses dans Cassiopée
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 150x10s
Majastres (04)
Je continue les observations visuelles en restant dans Pégase. Je dirige maintenant le CPC 925 vers NGC 7457 (11,0m - 4,3'x2,3'). Cette galaxie est plus facile à voir que les modestes NGC 1 et 2. Son disque galactique apparaît à 235x clairement ovalisé dans le sens SE/NO et son noyau demeure bien visible, bien qu'il se révèle plutôt petit.
NGC 7457 - Galaxie dans Pégase
Télescope Celestron CPC de 235 mm à 235x (Ethos 10 mm)
Majastres (04)
Du côté du Seestar s50, je commence un nouveau "stacking" sur l'amas globulaire M71 (6,1' - 6,9') de la constellation de la Flèche. Comme il est brillant, le temps de pose sur cet objet est bien plus court que pour les nébuleuses précédentes. M71 est situé à 13 000 années-lumière, il est de type XI dans la classification de Shapley, ce qui signifie que sa densité stellaire n'est pas très concentrée. Et effectivement, nous pouvons constater sur l'image que nous parvenons à distinguer les étoiles jusqu'à son centre. Sa taille réelle est d'environ 87 années-lumière.
M71 - Amas globulaire dans la Flèche
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 71x10s
Majastres (04)
Les nuages ont fait leur apparition en direction du nord-est. Ils progressent assez rapidement sur la voûte céleste, du coup je me hâte de faire un dernier dessin en pointant la galaxie NGC 7184 (11,1m - 5,9'x1,3') de la constellation du Verseau. Cette galaxie, localisée à 111 millions d'années-lumière, montre une belle taille à l'oculaire. A 235x, son disque galactique apparaît très étiré dans le sens NE/SO. Il comporte un noyau compact et bien visible, niché au cœur d'une large région centrale lumineuse et ovalisée.
NGC 7184 - Galaxie dans le Verseau
Télescope Celestron CPC de 235 mm à 235x (Ethos 10 mm)
Majastres (04)
J'ai bien envie de poursuivre la soirée avec de l'imagerie planétaire compte tenu que Jupiter est levée, mais les nuages en ont malheureusement décidé autrement. En effet, des voiles plus ou moins épais sont apparus vers l'est et ont fini par envahir une bonne partie du ciel. Tant pis, il est temps d'aller dormir !
Samedi
Nous nous levons avec un temps radieux, nous allons pouvoir profiter des instruments pour détailler l'activité solaire du jour. Ce matin de nombreuses taches solaires sont visibles à la surface de notre étoile, la vision dans le dobson de 300 mm de Vincent est spectaculaire, surtout en vision binoculaire.
C'est également l'occasion de tester le mode solaire du Seestar s50. L'instrument est livré avec un petit filtre solaire en polymère de grade ND5 qui se fixe devant la lentille.
Au départ le Seestar s50 a du mal à repérer le Soleil car évidemment, juste au moment où je lance le pointage, un nuage arrive et se place juste devant notre étoile ... Finalement je m'aide du joystick présent sur l'écran de visualisation du logiciel du smart télescope pour le centrer manuellement.
Le Soleil montre un bel enchainement de taches sombres qui s'étire sur près de 300 000 km, il occupe une place conséquente sur la moitié ouest du globe solaire. Les taches AR 3841, 3842, 3843, 3844 sont très actives, la tache AR 3842 a même émis le sursaut de rayonnement X le plus puissant du 25ème cycle solaire (niveau X9.1). Mais la tache la plus grosse demeure AR 3848, elle est localisée dans la moitié est du disque de notre étoile.
Maintenant que nous nous sommes régalés les yeux avec ces belles observations solaires, il est temps de régaler nos estomacs avec un bon barbecue. Quelle belle journée !
Les heures défilent, après une petite sieste bienvenue nous débâchons les télescopes afin qu'ils commencent à se mettre en température.
Le moment du crépuscule nous offre une belle vision : Le fin croissant de Lune se détache juste au dessus de la cime des arbres qui couvrent la crête du massif du Montdenier.
La rotation terrestre entraine rapidement le croissant de Lune derrière la montagne. Je l'observe glisser lentement sous l'horizon arboré.
La nuit est tombée. Pendant que nous nous équipons pour affronter la fraicheur nocturne je lance la séance d'imagerie en orientant le Seestar s50 vers la belle nébuleuse obscure Barnard 142 de la constellation de l'Aigle. Ce nuage interstellaire composé de poussières opaques se situe à 2000 années-lumière, il présente une forme en "C" et apparaît très sombre. Il est bordé au sud par la nébuleuse obscure Barnard 143, mais celle-ci semble moins dense.
B142 et B143 - Nébuleuses obscures dans l'Aigle
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 206x10s
Majastres (04)
Il est temps de rejoindre le télescope. Je commence la soirée d'observation en orientant le Celestron 9 vers la discrète galaxie NGC 7177 (11,2m - 3,2'x2,1') de la constellation de Pégase. Cette spirale barrée est située à 38,5 millions d'années-lumière, elle est donc relativement proche de nous. A 188x, elle montre un disque galactique plutôt lumineux et ovalisée dans le sens E/O. Sa région centrale comporte un noyau petit et compact niché au cœur d'une courte barre.
NGC 7177 - Galaxie dans Pégase
Télescope Celestron CPC de 235 mm à 235x (Ethos 10 mm)
Majastres (04)
Je change maintenant la cible du Seestar s50. Direction la nébuleuse de la bulle (NGC 7635) dans Cassiopée. Je parviens à la cadrer en même temps que l'amas ouvert voisin M52 (7,3m - 13'). Située à 7100 années-lumière, la nébuleuse de gaz est sculptée par le vent stellaire puissant d'une jeune étoile massive et très chaude qu'elle abrite. Au cœur de la bulle trône SAO 20575, un astre de type O âgé de seulement 4 millions d'années.
NGC 7635 et M52 - Nébuleuse et amas ouvert dans Cassiopée
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 235x10s - filtre dual band
Majastres (04)
Je pars maintenant vers les galaxies NGC 680 (11,9m - 1,8'x1,6') et NGC 678 (12,2m - 4,5'x0,8') de la constellation du Bélier. Je les perçois sans trop de difficultés dans le Celestron 9, bien que le petit vent froid qui s'est subitement levé me fait pleurer les yeux. Avoir les yeux humide n'est vraiment pas pratique pour détailler ces deux mondes extragalactiques lointains. A 188x NGC 680 n'est pas très difficile à voir. Elle apparaît comme une tache diffuse lumineuse et ovalisée dans le sens NNE/SSO. La vision de son noyau brillant ne pose pas de problème. NGC 678 est plus délicate à saisir, elle est moins contrastée. Au premier abord je perçois surtout sa région centrale lumineuse, mais en vision décalée je devine la présence de son disque galactique très étiré dans le sens ENE/OSO. Cette galaxie est assez étendue, mais elle est dans l'ensemble peu contrastée. Après une observation attentive, je parviens à repérer une troisième galaxie dans le champ de vision, il s'agit de IC 1730 (14,4m - 0,8'x0,5). Cette dernière est vraiment petite et faible, mais si on sait où la chercher on parvient également à l'observer. NGC 680, NGC 678 et IC 1730 font réellement parties d'un petit amas galactique, situé à près de 127 millions d'année-lumière.
NGC 680, NGC 678 et IC 1730 - Galaxies dans le Bélier
Télescope Celestron CPC de 235 mm à 235x (Ethos 10 mm)
Majastres (04)
Le petit vent froid m'enquiquine sérieusement. Je décide de laisser tomber les observations visuelles pour faire un peu d'imagerie planétaire avec le CPC 925. Pendant que je prépare le matériel, j'oriente le Seestar vers le bel amas globulaire M15 (6,3m - 18') qui est localisé dans la constellation de Pégase. Situé à 37 500 années-lumière de nous, M15 est un amas globulaire extrêmement dense, la majeure partie de sa masse est concentrée dans son cœur qui apparaît très brillant sur l'image.
M15 - Amas globulaire dans Pégase
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 20x10s
Majastres (04)
Le Seestar continue à empiler les images malgré le froid. Il enchaine avec une séance de stacking sur l'amas globulaire M56 (8,3m - 8,8') de la Lyre. Ce groupement dense de vieilles étoiles est situé à 30 700 années-lumière de nous, il s'étend sur près de 80 années-lumière. L'amas est de type X dans la classification de Shapley, ce qui sous-entend qu'il n'est que modérément concentré.
M56 - Amas globulaire dans la Lyre
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 93x10s
Majastres (04)
Il est 0h31 et Saturne commence a être bien placée au dessus de l'horizon sud. Je décide d'installer la caméra Altaïr GPCAM3 290C au foyer du Celestron 9 pour lui tirer le portrait. Ce soir la stabilité de l'atmosphère est très discontinue, par moment l'aspect de la planète est assez net et à d'autres instants l'image devient assez floue. Malgré des conditions de prises de vues perfectibles, j'ai pu obtenir une image couleur assez intéressante de la planète aux anneaux. Au sortir de l’hiver austral, l’hémisphère sud arbore une teinte émeraude car l’absence de voiles nuageux d'altitude favorise la pénétration de la lumière solaire dans l'atmosphère de Saturne. La zone tropicale nord est plutôt de couleur ocre, du fait de la présence de nuages d'altitude riches en cristaux de glace d'ammoniac. Nous pouvons également noter que l'ombre de la planète sur les anneaux est de plus en plus contrastée au fur et à mesure que nous nous éloignons de la date de l'opposition. L'ombre de la planète sur les anneaux est elle aussi bien distincte.
Saturne - Celestron CPC de 235 mm et caméra Altaïr GPCAM3 290C + barlow Kepler shorty 2x
Je passe ensuite à la caméra noir et blanc pour réaliser une image infrarouge de Saturne à l'aide du filtre Astronomik Pro Planet 642 BP. Dans cette longueur d'onde, la sixième planète du Système Solaire révèle plus facilement ses bandes nuageuses. En effet, l’infrarouge permet de pénétrer les brumes atmosphériques superficielles qui recouvrent Saturne et qui peuvent masquer des détails des couches nuageuses situées au dessous.
Saturne - Celestron CPC de 235 mm et caméra Altaïr GPCAM3 290M + barlow Kepler shorty 2x + filtre IR pro planet 642 BP
Pendant que je fais des captures de Saturne avec le CPC 925, le Seestar est lancé pour une longue séance de stacking sur la belle galaxie spirale barrée NGC 7479 (10,9m - 4,0'x3,1') de la constellation de Pégase. Située à 92 millions d'années-lumière, cette galaxie possède une envergure de 110 000 années-lumière, sa taille est à peu près comparable à celle de notre Voie Lactée. Son noyau abrite un trou noir hyper-massif qui est à l'origine d'une immense jet de matière observable en onde radio.
NGC 7479 - Galaxie dans Pégase
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 115x10s
Majastres (04)
Je me lance maintenant dans l'imagerie de Jupiter avec la caméra noir et blanc et le filtre infrarouge Astronomik IR pro planet 642 BP. A 1h14 la planète est encore très basse sur l'horizon et il y a malheureusement pas mal de turbulence dans ce secteur du ciel. Dans ces conditions, il est difficile d'obtenir une mise au point stable et correcte et il n'y a qu'en infrarouge que Jupiter montre des détails. L'infrarouge est la longueur d'onde la moins influencée par l'atmosphère terrestre, c'est une bonne solution pour imager lorsque le seeing n'est pas coopératif. Dans cette lumière, les festons de la zone équatoriale de Jupiter apparaissent très foncés, il y en a un beau visible au méridien central. Une autre formation intéressante passe au méridien central, mais beaucoup plus au sud, dans la bande tempérée sud sud (SSTB), elle est visible comme une large tache claire ovalisée. Il s'agit vraisemblablement de l’ovale BA, le second plus grand vortex anticyclonique de Jupiter après la Grande Tache Rouge.
Jupiter - Celestron CPC de 235 mm et caméra Altaïr GPCAM3 290M + barlow Kepler shorty 2x + filtre IR pro planet 642 BP
Il est désormais 1h41 et la planète géante gazeuse a gagné quelques degrés de hauteur. La turbulence atmosphérique est toujours présente mais par moment l'image paraît un peu plus stable. Ces quelques moments de netteté m'incite à essayer l'imagerie avec la caméra couleur. Malgré les piètres conditions de prise de vue, Jupiter montre quand même des détails intéressants, notamment sur la bordure sud de la bande équatoriale nord (NEB) où sont présents de beaux festons gris-bleuté. Notez comme la rotation de Jupiter est rapide, entre les deux images les formations se sont déjà décalées vers l'ouest.
Jupiter - Celestron CPC de 235 mm et caméra Altaïr GPCAM3 290C + barlow Kepler shorty 2x
Les captures sur Jupiter avec le Celestron 9 sont lancées et le Seestar s50, lui, est orienté vers la belle galaxie spirale M74 (9,1m - 10,5'x9,5'). Comme la veille, des nuages ont fait leur apparition vers l'est, mais par chance le secteur de la constellation des Poissons où se trouve M74 n'est pas encore touché par le rideau nébuleux. Je parviens à accumuler assez d'images avant que le ciel se dégrade pour révéler la belle structure spirale de cette galaxie, dont la distance est estimée à 24,5 millions d'années-lumière. M74 abrite également un trou noir supermassif en son cœur, sa masse équivaut à 5 millions de fois celle du Soleil.
M74 - Galaxie dans les Poisons
ZWO Seestar 50/250 mm - live stacking de 229x10s
Majastres (04)
Voilà un beau week-end d'astronomie qui s'achève, très diversifié au niveau des activités pratiquées, du dessin et des images du ciel profond, de l'imagerie solaire et planétaire. Il manque juste de belles photos en grand champ de la Voie Lactée comme j'aime bien en proposer habituellement dans mes comptes rendus, mais j'avais malheureusement oublié la rotule photo à la maison, du coup l'A7s est resté dans sa sacoche ...