Jeudi
Nouveau réveil sous la grisaille. La température s’est adoucie et le vent et la pluie se mêlent désormais aux flocons. Décidément, la météo est rude dans le grand nord, le soleil est quoi qu'il en soit aux abonnés absents …
Nous voilà repartis dans de nouvelles aventures. Aujourd'hui nous filons en direction du Nord-Est de l’île de Kvaløya, sur la péninsule du village de Kaldfjord, puis nous empruntons une petite route enneigée en direction de la baie de Belvika, puis celle de Skulsfjord.
Après avoir franchi un nouveau col enneigé, nous retrouvons la mer en ligne de mire. Nous apercevons devant nous les rives du kaldfjorden. Ce fjord s'étire sur une longueur de 16 km, c'est lui qui donne l'impression que l'île de Kvaløya est coupée en deux.
Avant de rejoindre la côte nous tombons sur un troupeau de rennes qui s’est installé au loin dans la plaine glacée. Un arrêt s’impose pour essayer de les approcher. Par chance ils ne sont pas trop farouches et nous pouvons les observer de près.
Quelle chance, nous n’en avions pas croisé jusqu'à présent.
Bien qu'il s’agisse de rennes d’élevage, ils vivent ici en liberté et ils peuvent profiter des grands espaces. Les rennes sont des animaux robustes et bien adaptés à la rudesse du climat du nord de la Norvège, on estime qu'ils sont présents dans le pays depuis plus de 12 000 ans.
Il y aurait dans le pays près de 25 000 rennes sauvages et plus de 200 000 rennes domestiques.
Nous reprenons la route en longeant la mer jusqu'au petit village de Skulsfjord.
Lové au creux d’une baie du Kaldfjorden, cette petite localité isolée est éloignée de la pollution lumineuse de Tromsø. De ce fait elle est assez appréciée par les chasseurs d'aurores.
Comme la route s’arrête là, nous décidons de rebrousser chemin pour rejoindre la côte nord de l’île en passant par le port de Belvika.
Sur la route nous admirons des paysages de toute beauté. Kvaløya (Sallir dans la langue des samis) est la cinquième plus grande île de Norvège, mais elle est très peu peuplée avec tout juste 10 000 habitants !
La route suit désormais le littoral du très long détroit de Kvalsundet qui sépare les îles de Kvaløya et de Ringvassøya. Tout le long du trajet je scrute attentivement la mer en quête d'ailerons, espérant secrètement distinguer quelques cétacés. Malheureusement la saison pour observer des baleines et des orques est terminée, la meilleure période pour aller à leur rencontre s'étire de novembre à fin janvier, même si certains animaux peuvent encore s'attarder dans les Fjords de Tromsø début février, cela dépend beaucoup de la présence ou non de bancs de poissons dans les eaux locales. D'après les locaux, la raréfaction du poisson sur les côtes fait que les cétacés sont désormais plus fréquents à une centaine de kilomètres vers le nord, autour de l'île de Skjervøy.
Les pêcheurs ont installé sur ce rivage rocheux quelques "rorbuer", ces belles cabanes rouges sur pilotis hautes en couleur et qui égayent les paysages glacés.
Sur le trajet, nous avons le plaisir de croiser un nouveau troupeau de rennes en pleine nature !
En hiver, les rennes doivent creuser dans d'épaisses couches de neige avec leurs sabots ou leur mufle pour trouver de la nourriture. Ils raffolent des lichens et des mousses qu'ils parviennent à débusquer quand le sol n'est pas trop gelé.
Ils n’hésitent pas à traverser la route juste devant nos voitures en prenant leur temps. On sent bien qu'ils sont habitués à la présence humaine.
En approchant du village de kvaløvegen nous longeons la spectaculaire lagune gelée de Dankarvagen qui est couverte de plaques de glace.
L’obscurité tombe vite et nous rentrons au gîte une nouvelle fois sous les nuages. Comme le temps est couvert, nous avons tout le temps de concocter un bon repas chaud. Ce soir c'est pavé de saumon à la sauce au citron, ail et gingembre.
Durant la soirée je sors régulièrement surveiller l’apparition d’une trouée mais sans succès. Mais je ne me décourage pas et vers 22h, quelques lueurs vertes transpercent le rideau de nébulosités en direction de l'ouest. Aleeeeeerte générale !!!
Ce soir les aurores semblent une nouvelle fois bien intenses, mais les trouées restent malheureusement faméliques et nous ne percevons que des bribes du beau spectacle qui se déroule au dessus de nos têtes, c'est très frustrant ...
Vendredi
Dernier jour en Norvège, déjà ... On est si bien ici. Ce matin nous nous levons très tôt car nous partons en excursion organisée, la seule du séjour, pour aller visiter un élevage de rennes chez les Samis, le peuple ancestral du grand nord de la Scandinavie. Au moment de prendre le petit déjeuner, les lueurs de l'aube nous offrent un beau spectacle par l'immense baie vitrée du salon. Le Soleil, bien qu'invisible, signale sa présence sous l'horizon en enflammant le ciel au dessus du Fjord.
Cette dernière journée en Laponie norvégienne est consacrée à la découverte de la culture des Samis. Ce peuple nomade d'éleveurs de rennes est vraisemblablement originaire de Sibérie. Aujourd'hui il vit dans le nord de la Scandinavie, sur un territoire s'étendant sur la Norvège, la Suède, la Finlande et la péninsule de kola en Russie.
Nous voici en bonne compagnie, avec notre guide Sami qui porte le Kofte (nom norvégien) ou gákti (en Sami du Nord). Ce costume traditionnel est toujours porté par cette communauté du grand nord car il leur permet d'affirmer leur identité culturelle.
Cette visite nous offre l'opportunité d'aller nourrir les rennes, c'est l'occasion de pouvoir les approcher et de découvrir qu'ils n'ont pas tous bon caractère, surtout quand il s'agit de partager la nourriture !
Les rations généreuses de Denis ont du succès ! C'est l'affluence ici, il faut prendre un ticket.
Le guide Sami nous a appris qu'en cette saison seules les femelles portent encore leurs bois. Cette particularité leur confère un avantage alors qu'en hiver elles sont souvent en gestation et que les ressources en nourriture se font plus rares. Les mâles, eux, retrouveront leurs bois au printemps.
En Laponie, seuls les peuples Samis ont le droit d'élever les rennes. La plupart des troupeaux observés dans les fermes ou dans la nature appartiennent à des familles de la culture Sami, qui les élèvent depuis près de 1000 ans. Les rennes sont intimement liés à leur histoire et leur subsistance dans ce milieu naturel où règne la rudesse du grand froid. Et ils sont bien entendu à la base de la gastronomie locale. Nous voilà conviés sous la yourte pour une dégustation du très réputé ragout Sami ! Un délice ...
La ferme Sami est située en hauteur, elle offre une belle vue panoramique sur le fjord et les montagnes enneigées. Aujourd'hui nous avons droit à de belles éclaircies, je croise les doigts pour qu'elles tiennent jusqu'à ce soir !
Après cette belle incursion dans le monde des Samis, nous retournons au gîte, l'estomac noué de voir se terminer notre si beau voyage.
C'est notre dernière nuit en terre norvégienne, il faut déjà penser à faire la valise, et en même temps ne pas ranger trop vite le matériel photo car peut-être que ce soir des aurores seront à nouveau visibles. Et la chance semble avec nous, voilà qu'à partir de 22h un nouveau show céleste commence !
Même si la lumière produite par les aurores est majoritairement verte, d'autres teintes peuvent apparaître quand l'aurore devient plus intense. Le rosé parfois visible sur la frange inférieure est produit par des molécules d'azote à des altitudes d'environ 100 km. L'azote peut émettre du bleu et du violet également.
Cette première salve a été spectaculaire, le ruban ondulant nous en a mis plein la vue mais il s'est éteint aussi vite que ce qu'il est apparu. Quoi qu'il en soit en dirait qu'Odin a décidé de nous faire finir le séjour en apothéose et nous en redemandons ! Ce soir c'est la fête dans l'Asgard, car voilà que çà redémarre !
Un nouveau ruban très lumineux se forme dans la même direction que la précédente.
Le ruban commence à créer des enroulements et des filaments supérieurs apparaissent à nouveau.
L'aurore atteint une intensité phénoménale, çà en devient hypnotique ! Deux vortex tourbillonnent face à face, ils se déchainent avec une énergie folle en provoquant une pluie de cris d'extase, quel pied ! Si les Samis étaient là, ils nous auraient conseillé de faire silence, car pour les peuples du Grand Nord il s'agissait des âmes des morts qui rodaient dans le ciel. Et il fallait à tout prix éviter de les provoquer en attirant leur attention. Mais comment se taire devant une telle beauté ?
Les vortex finissent par se déchirer en lambeaux brillants qui remplissent la totalité des zones claires du ciel. J'imagine l'ampleur qu'aurait le spectacle céleste s'il n'y avait pas de nuages !
La tempête géomagnétique à l'air de se calmer à présent, les lueurs du Nord se font plus discrètes. Quel spectacle nous avons eu là, ce fut le bouquet final de notre séjour, un véritable enchantement. Nous en redemandons, mais se sont malheureusement les nuages qui rappliquent. Une demi heure plus tard, un nouveau ruban vert est venu récompenser les plus patients d'entre nous (ou les moins frileux !), cette fois-ci l'aurore est visible en direction du nord.
Cette fois-ci, c'est bel et bien terminé. Demain matin nous devons nous lever tôt pour rejoindre l'aéroport, nous ne pouvons pas plus tarder. Quel séjour ! Des paysages à couper le souffle, de bonnes rigolades entre copains et des aurores presque tous les soirs, même si les nuages ont été un peu trop envahissants à notre goût. Quelque chose me dit que ce voyage au-delà du cercle polaire ne sera pas notre dernière chasse aux aurores !