Depuis que je pratique l'astronomie j'ai toujours eu le souhait de garder une trace de mes explorations célestes afin de pouvoir me souvenir de mes découvertes après des années de pratique. Le dessin astronomique et l'astrophotographie sont des disciplines que je pratique avec passion depuis longtemps mais j'ai toujours eu de mal à les mettre en œuvre en même temps. Il est en effet difficile de gérer la manutention et la mise en fonction d'un gros dobson et d'un second instrument sur monture équatoriale en simultané. C'est pour cela que j'ai toujours rêver qu’un jour sorte un petit instrument compact et automatisé qui me permettrait de pouvoir réaliser des images du ciel avec un minimum de contraintes pendant que j'observe et dessine. Ce petit instrument je pense l'avoir trouvé, il s'agit du Vespera.

Le Vespera est un petite lunette de 50 mm de diamètre et de 200 mm de focale fixée une monture monobras, le tout formant un ensemble vraiment très compact. Cet instrument commercialisé par la société française Vaonis entièrement automatisé, il parvient à se situer dans le ciel sans mise en station conventionnelle au viseur polaire, juste en utilisant le GPS du téléphone et en pratiquant la reconnaissance d'astérismes avec la caméra (capteur Sony IMX462). C'est très efficace et le calibrage de l'appareil ne prend que quelques petites minutes. L'informatique embarquée empile les images en "live stacking", applique des traitements de base et corrige la rotation de champ. Reste à l'observateur à choisir ses cibles, déterminer le cadrage personnalisable, paramétrer la prise de vue, et pour les amateurs de belles images à télécharger les images finales et les traiter (pour la réduction du bruit de fond et la calibration des couleurs notamment).

Pour les premiers essais j'ai installé le Vespera sur mon balcon nord à Marseille. Comme je ne sais pas ce qu'il est capable de sortir sous un ciel de ville j'ai décidé de commencer les prises de vues par des amas ouverts brillants appartenant au catalogue Messier. Voici M34 (5,2m - 35,0') situé dans la constellation de Persée. Il s'agit d'un amas plutôt jeune (150 millions d'année), riche en étoiles bleutées de type B9 ou A0.

 M34 -  Amas ouvert dans Persée
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 188 images et 31:20 mn de pose
Marseille (13)

M35 (5,1m - 30,0') des Gémeaux est plus riche et plus esthétique que le précédent, il comporte près de 200 étoiles dont une majorité d'étoiles bleues et jeunes. Au sud-est de M35 se trouve un autre amas dont l'aspect est beaucoup plus compact et granuleux, il s'agit de l'amas NGC 2158 (8,6m - 5,0'). Celui-ci englobe des étoiles plus âgées (1,1 milliard d'années), cela se voit à sa teinte jaune dominante. Le Vespera restituent parfaitement l'esthétique de ce duo réuni dans la même région céleste par la perspective car M35 se situe à 2700 années-lumière alors que NGC 2158 est 7 fois plus loin, à 19000 années-lumière !

 M35 et NGC 2158 -  Amas ouverts dans les Gémeaux
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 182 images et 30 mn de pose
Marseille (13)

Direction le Cocher pour rendre visite à un très bel amas ouvert, riche et brillant, il s'agit M37 (5,6m -  24,0'). Distant de 4600 années-lumière il comporte plus de 150 étoiles dans l'ensemble assez jeunes (300 millions d'années). Notez la forme triangulaire de l'amas qui ressort très bien sur l'image.

 M37 -  Amas ouvert dans le Cocher
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 160 images et 26:40 mn de pose
Marseille (13)

Le double amas de Persée formé par NGC 869 et NGC 884 (3,7m - 60') fait partie des grands classiques du ciel profond, il s'agit de l'un des objets phares du ciel d'automne. Ces amas extrémement jeunes ne seraient âgés que de 10 millions d'années, aussi ils comportent une grande majorité d'étoiles bleues de type B0 à B5. Notons quand même la présence de quelques supergéantes rouges dont la teinte orangée ressort bien sur l'image. Certaines étoiles plus massives que les autres ont vieilli prématurément. Notons également que ces amas sont réellement voisins, il sont séparés de 100 années-lumière.

NGC 869 et NGC 884 - amas ouverts dans Persée
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 193 images et 32:10 mn de pose
Marseille (13)

Maintenant que je me suis exercé à photographier des amas brillants et faciles, je décide de viser un objet un peu plus profond : NGC 7789 (6,7m - 25') de la constellation de Cassiopée. Cet amas ouvert reste assez connu des astronomes amateurs car sa richesse stellaire lui confère un aspect esthétique, mais sa renommée vient également du fait qu'il a été découvert en 1783 par une femme (ce qui n’était pas commun à l'époque). En effet, sa découverte est attribuée à Caroline Herschel, la sœur du célèbre William Herschel (le découvreur de la planète Uranus). Pour lui rendre hommage, les observateurs ont surnommé affectueusement l'amas "la rose de Caroline". NGC 7789 est un vieil amas âgé de 1 milliard d'années, cela se voit à sa dominante jaunâtre. Ses nombreuses composantes ont su maintenir un lien gravitationnel fort entre elles, ce qui lui a évité l'éparpillement.

NGC 7789 -  Amas ouvert dans Cassiopée
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 200 images et 33:20 mn de pose
Marseille (13)

Le bilan d'imagerie citadine du Vespera sur les amas ouverts est vraiment bon ! Mais qu'en est-il des galaxies ? En ce moment M51 (8,4m - 11,2'x6,9') des Chiens de Chasse passe haut dans le ciel après minuit, j'ai donc tenté de lui tirer le portrait. Lors de l'empilement des images j'ai vu apparaître rapidement la galaxie sur l'écran, mais malheureusement la façade claire de mon immeuble a réfléchi de la lumière dans le tube du Vespera ce qui a causé l'apparition de reflets importants sur le cliché final. Après traitement j'ai quand même pu réaliser une image prometteuse de cette galaxie spirale en interaction située à 27 millions d'année-lumière. Nul doute que je pourrai obtenir mieux sous un bon ciel !

M51 et NGC 5195 - galaxies dans la Chiens de Chasse
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 190 images et 48 mn de pose
Marseille (13)

J'ai également essayé d'imager le célèbre duo de galaxies de la Grande Ourse, à savoir M81 (6,9m - 24,9'x11,5') et M82 (8,4m - 11,2'x4,3'). Cet ensemble galactique situé à 12 millions d'années-lumière ressort parfaitement sur l'image suivante, je suis quand même épaté de pouvoir produire une vue aussi détaillée en ville et sans filtre anti-pollution lumineuse ! Certes, le rendu est encore assez granuleux, mais quand même, les bras spiraux bleutés de M81 sont bien visibles et en stellaire j’atteins quasiment la magnitude 16. Quant à M82 elle montre clairement ses bandes sombres de poussières. Notez également la présence de la petite galaxie NGC 3077 (9,9m - 5,2'x4,7') dans le coin de l'image en bas à gauche.

M81 et M82 - galaxies dans la Grande Ourse
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 335 images et 55:50 mn de pose
Marseille (13)

Quant aux nébuleuses planétaires, elles sont généralement très petites et compte tenu de la faible focale du Vespera elles ne rentrent clairement pas le domaine de prédilection de cet instrument. Mais en choisissant des objets présentant un diamètre apparent suffisant on peut quand même avoir de bonnes surprises, ce fut le cas avec M76 (10,1m - 3,1'') de la constellation de Persée. Bien que petite sur l'image, cette nébuleuse planétaire révèle parfaitement son enveloppe gazeuse rectangulaire et sa teinte verte, on commence même à distinguer ses lobes latéraux. N'hésitez pas à visionner l'image en grand en cliquant dessus. Notons également la présence de l'astérisme Karhula 1 qui ressemble à un petit crochet situé à 27'NE de M76.

M76 - nébuleuse planétaire dans Persée
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 268 images et 44:40 mn de pose
Marseille (13)

Ces premières nuits d'utilisation du Vespera sont assez prometteuses, mais il va me falloir encore du temps pour maitriser pleinement toutes les fonctionnalités offertes par son logiciel de pilotage "Singularity". En tout cas j'apprécie beaucoup sa simplicité de mise en œuvre, sa compacité et ses capacités d'imagerie en ville. Le plus gros bémol rencontré pour le moment c'est son bouton d'allumage tactile que je trouve beaucoup trop lumineux la nuit et qui est assez capricieux à l'allumage. Mais cette contrainte est vite oubliée lorsqu'on voit apparaître les images sur l'écran !