• Une fin d'été étoilée au Poil

    Après la petite sortie dans la vallée de la Blanche avec la petite lunette de 80 mm j'ai hâte de retrouver les amis des RAGBR pour un long week-end d'observation avec mon Dobson de 381 mm. Pour cette nouvelle Lune de la fin du mois d'août nous avons choisi de retourner dans les contrées sauvages et sans lumières du village du Poil dans les Alpes de Haute Provence.

    mais en cette saison il faut composer avec les orages de chaleur et comme le temps est lourd, les nuages bourgeonnent et une pluie diluvienne finit par s'abattre sur ce coin de nature provençale préservée.

    Nous avons même droit à la grêle et un déchainement d'éclairs... Les observations nocturnes semblent clairement compromises. Heureusement les RAGBR c'est aussi la convivialité et les bons repas, autour de la table il y a de quoi se consoler !

    Le lendemain matin le Soleil brille à nouveau et nous en profitons pour aller nous aérer sur le superbe sentier qui mène au village abandonné du Poil. Par rapport aux massifs du pourtour de Marseille qui sont pelés et brûlés par le Soleil estival ou qui ont été ravagés par les incendies de ces dernières années, ici la nature est au beau fixe. Les orages de ces dernières semaines et de la veille ont aidé la nature à rester verdoyante. 

    Pour les citadins que nous sommes les week-ends d'astronomie sont aussi l'occasion de prendre un bol d'air pur et de nous aérer la tête, juste avant la frénésie de la rentrée çà fait un bien fou.

    Au bout du sentier se trouve le village du Poil, dont la chute démographique constante constatée sur près d'un siècle l’amena à être presque abandonné et ruiné à la fin des années 60. Aujourd'hui le village subsiste grace aux rénovations réalisées par une association culturelle "les amis du Poil".

    Perché à 1250 mètres d'altitude, le village du Poil domine une somptueuse vallée, il est difficile de décrocher le regard de ce panorama bucolique mêlant campagne et montagne.

    Dans cette contrée paisible nous ne croisons pas grand monde. Les plus nombreux sont les zygènes de la petite coronille (zygaena fausta) que l'on croise parfois en véritables assemblées !

     Sur le chemin du retour au gîte un sous-bois nous offre un passage de fraicheur bienvenue.

    L'après midi venu, le temps se couvre mais au moins il ne pleut pas. Cela nous laisse le temps de préparer le matériel pour la nuit à venir même si nous n'avons aucune garantie d'apercevoir les étoiles.

    Les astronomes sont aux petits soins avec leurs instruments. Les séquences de collimation s’enchaînent afin que les images nocturnes soient optimales.

    Après le coucher du Soleil les nuages commencent à s'effilocher et le ciel montre désormais quelques bandes claires où transparaissent les premières étoiles et la planète Jupiter. Dans la direction du couchant c'est un fin croissant de Lune rougeoyant qui se distingue juste au dessus des collines.

    La nuit tombe mais il faut attendre presque 22h pour voir une large éclaircie prendre le pas sur les nuages. Malgré la présence de légers voiles la Voie Lactée d'été est superbe, le Sky Quality Meter annonce une belle valeur de 21,71. On sent que les pluies de la veille ont bien nettoyé l'atmosphère, la transparence est excellente. Par contre il y a un petit vent qui crée un peu de turbulence, on ne peut pas tout avoir ...

    Je commence les observations en pointant NGC 6717 (8,4m - 5,4'). Cet objet est également connu sous le nom de Palomar 9, il se situe dans la constellation du Sagittaire. Il s'agit d'amas globulaire compact qui est parfaitement visible à 286x dans le Dobson de 381 mm, même s'il n'est localisé qu'à 1,5' d'arc de l'étoile brillante jaune-orangée Nu2 Sgr (4,9m). Il apparaît étiré dans le sens NE/SO et comporte quelques étoiles perceptibles sur sa surface. Sa région centrale est également visible, elle se révèle légèrement étirée.

    ngc 6717 globular cluster

    NGC 6717 (Palomar 9) - Amas globulaire dans le Sagittaire
    Télescope Sumerian Optics de 381 mm à 286x (Ethos 6 mm)
    Le Poil (04) - SQM 21,71

    Cible suivante, NGC 6822 (9,3m - 14,8'x13,2') est une galaxie naine du groupe local galactique qui se situe à 1,6 millions d'années-lumière. Celle que l'on appelle aussi la galaxie de Barnard n'est pas du vraiment facile à observer, du fait de sa nature naine elle est peu lumineuse et à cause de sa proximité elle apparaît large. C'est la recette idéale pour obtenir un sujet d'observation à très faible contraste qui - de ce fait - nécessite obligatoirement un très bon ciel pour être perçue. Grace à la transparence excellente de cette nuit, je parviens à la distinguer dans le télescope de 381 mm à 85x. Elle apparaît très pâle, large, uniforme et ovalisée dans le sens N/S au premier abord. Après une observation prolongée en vision décalée je finis par noter des irrégularités de brillance à sa surface et sa structure se complexifie. En ajoutant un filtre UHC je découvre même deux régions HII visibles comme deux petites condensations nébuleuses.

    ngc6822 galaxy

    NGC 6822 - Galaxie naine dans le Sagittaire
    Télescope Sumerian Optics de 381 mm à 86x (TS 20 mm)
    Le Poil (04) - SQM 21,71

     

    Les nuages reviennent sur l'horizon sud donc je quitte la constellation du Sagittaire et part dans le secteur de Pégase où le ciel est encore clair. Je rend visite à l'amas globulaire M15 et me décale vers un petit objet très discret, la faible nébuleuse planétaire NGC 7094 (13,4m - 1,6'). Je la devine faiblement à 85x. A 171x avec le filtre UHC elle se révèle comme un beau disque nébuleux bien circulaire, entourant une étoile centrale évidente (13m). En vision décalée j'ai une nette impression qu'une partie de la bordure de l'objet est renforcée, ce qui lui confère un semblant d'annularité. Bien que faible, NGC 7094 reste un objet intéressant.

    ngc 7094 planetary nebula

    NGC 7094 - Nébuleuse planétaire dans Pégase
    Télescope Sumerian Optics de 381 mm à 171x (Ethos 10 mm + UHC)
    Le Poil (04) - SQM 21,71

    Puis progressivement des voiles envahissent la totalité du ciel, ils s'épaississent et les étoiles finissent par disparaître les unes après les autres. Puisque le rideau opaque de nébulosités sonne l'entracte forcée du grand spectacle céleste, nous rentrons nous réchauffer un peu dans le gîte. Vers 2h du matin le beau temps est de retour et les observations reprennent de plus belles.

    J’entame la reprise avec la comète C/2018 W2 Africano qui transite dans la partie nord de la constellation de Persée. A l'oculaire elle est bien visible mais elle n'est pas très spectaculaire, sa brillance est probablement proche de 10,5m. A 171x elle se révèle plutôt diffuse et comporte un petit noyau discret. En vision décalée il me semble percevoir des jets extrêmement discrets contenus dans un halo circulaire.

    C/2018 W2 Africano

    C/2018 W2 Africano - Comète dans Persée
    Télescope Sumerian Optics de 381 mm à 171x (Ethos 10 mm)
    Le Poil (04) - SQM 21,73

    Je passe à une vision un peu plus enthousiasmante, l'amas de galaxies Perseus 1, alias Abell 426, qui se situe à 240 millions d'années-lumière. C'est la bonne surprise de la soirée car à l'oculaire de l'Ethos de 10 mm, avec un grossissement de 171x je parviens à observer pas moins de 16 petites galaxies dans le champ de vision ! L'une d'elle se distingue par sa luminosité un peu plus conséquente que celle de ses voisines, il s'agit de la centrale dominante NGC 1275 (12,6m - 2,3'x1,6'), une radiogalaxie lenticulaire géante. Quant à la galaxie la plus faible perçue, il s'agit de PGC12430 de 15,3m !

    Abell 426 galaxy cluster

    Abell 426 - Amas de galaxies dans Persée
    Télescope Sumerian Optics de 381 mm à 171x (Ethos 10 mm)
    Le Poil (04) - SQM 21,73

    Nous finirons par rechercher l'amas globulaire Palomar 13 dans la constellation de Pégase à l'aide du dobson de 450 mm de Denis. Malheureusement nous n'avons rien vu de sûr, le challenge était trop relevé ... Je vais attendre patiemment mon futur Taurus de 508 mm pour revenir dessus.

    Il est maintenant 4h du matin et les paupières commencent à être bien lourdes, il est temps de rejoindre nos couchages. C'est une belle soirée qui s'achève malgré les passages de nuages, on ne regrette pas d'être venus.

    Dimanche matin c'est à nouveau un Soleil généreux qui accueille le réveil difficile des astro-zombies qui ont passé une nuit de sommeil trop courte pour être réparatrice de la nuit presque blanche que l'on a passé. Mais avant de se préparer au départ nous profitons encore un peu du gîte, du plaisir d'être ensemble et de la vue offerte sur ce magnifique environnement naturel sauvage.

    Pour fêter la belle nuit étoilée qui s'est écoulée et finir en beauté rien de tel qu'un bon barbecue.

    « Une nuit dans la vallée de la BlancheTransit de Mercure devant le Soleil le 11 novembre 2019 »

  • Commentaires

    1
    Alexandre49
    Vendredi 6 Septembre 2019 à 11:02

    Comme d'habitude, j'aimerai faire parti de la bande de potes mais je suis vraiment si loin...

    Reportage très sympa avec (merci) des photos de papillons ; le premier (le bleu) est un azuré mâle mais impossible de dire l'espèce sans le revers, et très chouette cette espèce de zygène que je n'ai pas chez moi. Une question : ça ne vous générerait pas d'avoir un individu dans le secteur la nuit avec des néons allumés pour attirer les papillons nocturnes sur son drap blanc ?... quand il fait gris bien sûr ;)

    Sinon question astro voici mes notes sur la belle NGC 7094 prises avec mon T 560 :

    Notes au T 560 (8 septembre 2016) : A 165x et OIII et aussi à 240x et UHC (visibilité 1 / intérêt 2,5) : Annulaire, ronde avec un anneau fin, un peu soutenu sur sa moitié W. Centrale facile (mag 14). A 290x sans filtre, une petite étoile (mag 16 ?) se situe au niveau de l'anneau près de la centrale ; l'anneau est alors bien plus faible et surtout peu contrasté.

    2
    Vendredi 6 Septembre 2019 à 11:56

    Salut Alexandre !

    Oui les papillons c'était exprès pour toi :) Tu aurais de quoi t'amuser dans ce secteur de la Provence, on a pu observer pas mal de spécimens mais qui ne sont pas toujours faciles à photographier !

    Pour NGC 7094 on a vu à peu près les mêmes choses, par contre je n'ai pas penser à enlever le filtre pour chercher la petite étoile située sur l'anneau ...

    Sinon je suis surtout content des observations de NGC 6822 avec quelques subtilités de surface et les régions HII. Et l'amas Abell 426 m'a montré pas mal de galaxies. J'ai encore du boulot de mise au propre qui m'attend !

    N'hésite pas à partager tes observations, je sais que tu a une bonne collection de descriptifs ! De mon côté j'ai hâte de recevoir mon Taurus 508 mm et de pouvoir taquiner un peu plus souvent les amas de galaxies. Avec le T450 mm de Denis on a également observé l'amas Abell 347 situé juste à côté de la belle NGC 891. On a aussi comptés quelques petites galaxies, mais je n'ai pas fait de dessin.

    3
    stephane
    Dimanche 8 Septembre 2019 à 11:01

    Salut Laurent, merci pour ce beau CR, ça fait du bien de revivre ces bons moments! J'attends avec impatience tes dessins du cluster abell, je crois que j'ai bien fait de t'embêter pile poil au bon moment lorsque tu pointais en cette direction, magnifique de voir autant de galaxies dans l’oculaire!

    4
    Dimanche 8 Septembre 2019 à 11:43

    Salut Stéphane !

    Oui t'es passé au bon moment :) C'est pas tout les jours qu'on peut voir autant de galaxies en simultané à l'oculaire à 171x ! Et c'était peut-être ton baptême d'amas galactique d'Abell d'ailleurs ? En tout cas je suis content que tu ais apprécié le séjour pour ta première RAGBR en gîte !

    A bientôt

      • stephane
        Dimanche 8 Septembre 2019 à 18:30

        Effectivement c'était une première et ça faisait un bon moment que j'avais envie de voir de l'amas Abell !! Donc je te remercie encore Laurent. Mais je n'en ai pas eu assez he  il me tarde de revoir ça!!

    5
    Dimanche 8 Septembre 2019 à 18:41

    On s'en refera d'autres ! j'ai dans l'idée d'aller taquiner celui d'Hercule (Abell 2151), mais je pense qu'il sera plus intéressant dans mon futur T508 mm, j'attendrai l'an prochain pour celui-là. 

    Au printemps il y a Abell 1656 dans la Chevelure de Bérérice qui est très sympa, là aussi çà foisonne de galaxies !

    http://ekladata.com/UPYEnk9gQ1t8j-C5U8i5B3XoUBw/Abell-1656-T381-md3.png

    Au passage, un grand merci pour tes empenadas  et ta tarte à la tomate, un vrai régal pour les papilles !!!

    6
    Loubard de Rians
    Vendredi 13 Septembre 2019 à 10:41

    Bonjour Laurent,

    Sympa tes compte rendus, mais avec mon débit ADSL de campagnard à Rians, il faut des heures pour voir les photos sur ton blog. C'est du temps de réduire leur taille, mais ce serait appréciable pour "la France des territoires".

     

    Louis

    7
    Vendredi 13 Septembre 2019 à 10:56

    Salut !

    Les images sont déjà réduites et compressées ... je pourrai encore les réduire mais la beauté des images vient du fait qu'on ne visionne pas des timbres poste justement. Les images natives font souvent entre 6 et 8Mo et je les réduit généralement entre 1 et 2,5 Mo, en dessous de 1Mo la qualité ne permet pas de vraiment apprécier la beauté des images. Cela dit ton débit doit être particulièrement bas car même quand je suis en vadrouille dans des endroits campagnards comme quand on va au Montdenier  j'arrive à visionner les comptes rendus assez rapidement sur mon téléphone (tout au plus quelques minutes dans le pire des cas quand je ne capte pas beaucoup).

      • Loubard de Rians
        Dimanche 15 Septembre 2019 à 16:40
        Oui j'ai très peu de débit à Rians, les mises à jour de W10 se font souvent sur plusieurs jours, pourtant je paye plein pot l'ADSL. Merci de m'avoir répondu. Louis
    8
    etoilesdesecrins
    Samedi 14 Septembre 2019 à 12:56

    Salut Laurent !

     

    ah intéressant quand ça intègre astro et entomologie, deux de mes passions ! Pour l'Azuré, n'est ce pas le bleu céleste (lysandra bellargus) ? Mais Alexandre a raison un des critères discriminant est le point ou pas dans la cellule de l'aile antérieure (revers). Jamais vu autant de zygènes ensemble !! La région regorge d'espèces qu'effectivement on ne trouve pas plus au nord.

    Pour NGC 6717 c'est un objet très gratifiant vers 300 mm, bien plus détaillé (comme tu le décris) qu'à la lunette. Par contre nous parlions de 6822 sur AS, je pense que la clé est un très bon ciel d'altitude.

    Tu évoques aussi les amas de galaxies, voilà vraiment un type d'objet qui se révèle avec le diamètre, enfin pour les plus classiques, certains sont bien décrits dans tes Splendeurs et j'ai ainsi pu identifier aussi pas mal de petits choses entre mv 14 et 15v au T300.

     

    Quoi ? que lis-je ? Un T500 en attente ...hum hum !!

     

    Bons ciels ! Ils annoncent du beau pour la lune déclinante, pour ceux qui auront le temps de sortir

     

    etoilesdesecrins

    9
    Dimanche 15 Septembre 2019 à 18:40

    Salut étoilesdesécirins !

    Si maintenant il y a deux fans d'insectes et de papillons je vais tacher d'en mettre plus souvent :)

    En ce qui concerne NGC 6822 tu as raison, le maître mot est la transparence, un bon ciel d'altitude ou un ciel lavé par la pluie aide énormément, elle est vraiment fantomatique cette galaxie. Pour les détails de sa structure il faut aussi beaucoup de patience et du diamètre.

    Sinon je suis d'accord avec toi, s'il y a bien un domaine où le diamètre prime, c'est sur les amas de galaxies d'Abell. J'ai hâte de le Taurus 508 mm arrive pour aller taquiner les tachouilles de l'amas d'Hercule ou celui de la Couronne Boréale qui est un vrai challenge. C'est un nouveau champ d'exploration qui va s'ouvrir avec ce diamètre.

    En attendant j'espère qu'on aura du beau temps à la fin du mois, avec les nuits qui tombent plus tôt c'est une bonne période pour l'astro.

    Amitiés,

    Laurent

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