La période de nouvelle Lune du mois de mai propice à l'observation du ciel profond a été marqué par un long épisode pluvieux. Maintenant la Lune est de retour dans le ciel du soir et elle inonde la voute céleste de son intense clarté. Mais je ne pouvais pas me résoudre à attendre la nouvelle Lune du mois de juin pour repartir explorer les nébuleuses et autres amas d'étoiles, surtout qu'en juin les nuits sont particulièrement courtes. Du coup j'ai feins d’ignorer la présence de la Lune (tant pis si elle est gênante) et je me suis rendu en mode "mort de faim" sur mon spot de Pichauris, dans les collines de la chaine de l’Étoile.

Cette petite sortie improvisée à également pour but de tester quelques configurations matérielles avant le départ dans quelques semaines pour un voyage en Namibie. Lorsqu'on voyage dans l'hémisphère sud et que l'on doit prendre l'avion il se pose toujours la question du matériel à emporter. En bagage cabine le poids et l'espace sont très limités, on se retrouve généralement restreint à transporter un instrument de petit diamètre. J'ai déjà voyagé plusieurs fois avec ma lunette de 80 mm mais cette fois-ci je souhaites avoir un peu plus de puissance et de résolution, de ce fait j'ai jeté mon dévolu sur un tube de Celestron 5. Alors celui-là il est vraiment imbattable en ratio poids/diamètre, seulement 2,7 kg pour un tube de 125 mm de diamètre, je n'ai pas trouvé mieux. Ce soir c'est sa première lumière et l'optique m'a parue très bonne. Comme l’atmosphère est stable j'ai pu  grossir et percevoir de très nombreux détails sur la Lune. Ce qui m'a le plus surpris c'est l'excellent contraste de l'image compte tenu de la forte obstruction dûe au miroir secondaire. Comme quoi, entre la théorie et la pratique il y a parfois un monde. Un petit test sur l'amas globulaire M4 du Scorpion m'a également permis de voir qu'avec cette optique je peux résoudre en fines étoiles les plus beaux amas globulaires.

Ce soir pour dessiner je vais utiliser le Nexstar 8, son grand frère de 203 mm de diamètre. Avec la monture go to je suis en mode "astroflemme". Vu que la Lune éclaire le ciel, les étoiles repères sont peu nombreuses et le pointage automatique va clairement me faciliter la vie. Je commence mes observations par un petit amas globulaire discret et méconnu, NGC 5694 (10,2m - 4,3'). Localisé assez bas sur l'horizon au niveau de la queue de l'Hydre femelle à une déclinaison de -26°32', il demeure surtout intéressant pour les observateurs du sud de la France. A l'oculaire NGC 5694 reste un petit objet, même à 333x avec l'Ethos de 6 mm. Il se révèle comme une boule diffuse avec une large région centrale plus lumineuse. Cette région centrale me paraît un peu irrégulière, son bord sud est assez rectiligne. Notons que cet amas globulaire est accompagné de deux étoiles de 10,5m.

NGC 5694 - Amas globulaire dans l'Hydre
Télescope Celestron Nexstar 8 SE de 203 mm à 333x (Ethos 6 mm)
Pichauris (13)

Durant le dessin de NGC 5694 le Vaonis Vespera a eu le temps de procéder à son initialisation et a effectué la mise au point automatique. Je pense que NGC 5694 est trop petit pour présenter un intérêt à être photographié avec le Vespera et ses 200 mm de focale. Je préfère l'orienter vers un objet plus spectaculaire, à savoir l'amas globulaire M14 (7,6m - 11') de la constellation d'Ophiucus. Cet amas est situé à 30 300 années-lumière, il a été découvert par l'astronome français Charles Messier en 1764. Il apparaît sur l'image assez compact et peu ramifié.

M14 -  Amas globulaire dans Ophiucus
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 175 images et 29:10 mn de pose
Pichauris (13) - Lune éclairée à 53%

Alors que je suis concentré sur mes observations je sens qu'on surveille depuis les fourrés. Avec la lampe rouge frontale je distingue deux paires d'yeux qui brillent à quelques mètres de mois ! Ces yeux fixes me scrutent silencieusement en restant à distance, c'est assez angoissant. Pour débloquer la situation je décide finalement de siffler et de leurs parler et çà marche, je vois alors deux épagneuls bretons qui s'approchent en remuant la queue. Finalement ils repartent assez vite et j'ai l'impression qu'ils étaient bien plus inquiets que moi ! Je réalise alors qu'en Namibie les nuits risquent d'être assez folkloriques, à savoir à qui appartiendront les yeux qui brilleront dans la nuit du Kalahari...

Au niveau du setup matériel qui va m'accompagner prochainement en Namibie je suis désormais fixé : Le Celestron 5 pour le visuel et le Vaonis Vespera pour l'imagerie. J'ai vraiment hâte de retrouver le ciel austral, mon dernier voyage dans l’hémisphère sud remonte déjà à huit ans, c'était au Chili en 2015. J'avais pu retrouver Omega du Centaure et la radiogalaxie du Centaure lors d'un séjour au Maroc en 2019 mais pour admirer la somptueuse nébuleuse Eta Carène, les spectaculaires Nuages de Magellan et le tonitruant amas globulaire 47 Toucan il faut voyager bien plus au sud.

Comme l'horizon sud est bien dégagé depuis mon spot d'observation, je décide de me mettre dans l'ambiance australe et de pointer des objets vraiment très bas en avant goût du ciel austral namibien. J'oriente le Nexstar 8 vers l'amas globulaire NGC 5824 (9,1m - 7,4') de la constellation du Loup. Il est situé à -33° de déclinaison. Malgré sa position basse qui fait qu'on l'observe à travers les couches peu transparentes de l'atmosphère il est quand même correctement visible. A 333x dans l'oculaire Ethos 6 mm il dévoile un disque diffus circulaire clairement plus lumineux en son centre. En effet, il possède un petit noyau compact et brillant. Je note également que l''amas est bordé par deux étoiles de 13,2m et 13,3m à l'est et au sud.

NGC 5824 - Amas globulaire dans le Loup
Télescope Celestron Nexstar 8 SE de 203 mm à 333x (Ethos 6 mm)
Pichauris (13)

Un peu plus à l'est, à la frontière entre le Loup et le Scorpion je parviens à percevoir la nébuleuse planétaire NGC 6072 (11,7m - 1,6'). Elle apparaît faiblement en vision décalée à 200x en utilisant un filtre OIII, je distingue une pâle nébulosité qui me semble un coup ovalisée dans le sens NE/SO, un coup dans le sens SE/NO. En fait cette NP présente une région centrale et un halo étiré dans des sens opposés ce qui perturbe la perception de la forme de la bulle gazeuse. Notons également que NGC 6072 est perceptible à 7'30"S d'une étoile de 8,6m. C'est un objet à placer sur la liste des observations à mener depuis l'hémisphère sud afin d'obtenir une vision plus détaillée.

NGC 6072 - Nébuleuse planétaire dans le Scorpion
Télescope Celestron Nexstar 8 SE de 203 mm à 200x (Ethos 10 mm + OIII)
Pichauris (13)

Pendant ce temps le Vespera lui vise très haut dans le ciel en direction de la star du moment, c'est à dire la supernova SN2023ixf qui est apparue dans la galaxie spirale M101 (7,5m - 28,8'x26,9') de la Grande Ourse. Je l'ai déjà photographié mardi dernier mais dans de piètres conditions, en ville et avec un ciel légèrement voilé. Ce soir bien que la Lune soit présente  le ciel est bien plus transparent et il est moins victime de la pollution lumineuse que mon balcon marseillais. Et çà se voit sur le résultat final, la galaxie spirale ressort bien mieux ici ! Quant à la supernova elle est toujours aussi brillante, je note qu'elle apparaît bien bleutée, elle doit irradier de rayons X et gamma hautement énergétiques, il ne doit pas faire bon se trouver dans son environnement !! La galaxie M101 se trouvant à 21 millions d'années-lumière, gardez à l'esprit que cette étoile a en réalité explosé il y a 21 millions d'années !

M101 et SN2023ixf le 28 mai 2023 -  Galaxie et supernova dans la Grande Ourse
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 315 images et 52:30 mn de pose
Pichauris (13) - Lune éclairée à 53%

Il commence à se faire tard, mais je me lance quand même dans un nouveau dessin. Je remonte en déclinaison pour rendre visite à l'amas globulaire M9 (7,8m - 12') de la constellation d'Ophiucus. Comme l'atmosphère est toujours stable, j'attaque les observations détaillée à 333x. Cet amas est très intéressant, il présente une région centrale triangulaire dans laquelle quelques étoiles sont perceptibles. je perçois également une barre d'étoile qui est visible sur son bord sud. Enfin je note que plusieurs étoiles sont visibles individuellement sur sa périphérie, elles se détachent sur un fond légèrement granuleux.

M9 - Amas globulaire dans Ophiucus
Télescope Celestron Nexstar 8 SE de 203 mm à 333x (Ethos 6 mm)
Pichauris (13)

L'humidité a fait son apparition et les lames de Schmidt des Celestron 5 et 8 se sont couvertes de buée. Il n'y a plus que le Vespera qui est opérationnel. Avant de plier le matériel j'ai envie de tester mon nouveau filtre Dual Band, un filtre interférentiel à bande étroite double, qui laisse passer les longueurs d’ondes de l’Hydrogène Alpha (H-alpha) et l’Oxygène III (O-III). Ce filtre est particulièrement indiqué pour la photographie des nébuleuses diffuse et planétaires.

Comme la constellation du Cygne commence à être haute vers l'est, je décide de lancer une dernière cession de live stacking sur la nébuleuse du croissant alias NGC 6888 (10,0m - 18'x13'). Cette nébuleuse située à près de 5000 années-lumière est en fait un rémanent gazeux émis par l'étoile WR136, un astre très massif de type Wolf Rayet. Malheureusement les additions de poses se sont bloquées au bout de 37 mm car le filtre Dual Band a fini lui aussi par être touché par la buée. Dommage, c'est un objet qui aurait demandé un temps de pose plus long.

NGC 6888 -  Rémanent de Wolf Rayet dans le Cygne
Vaonis Vespera 50/200 mm - mode mosaic - live stacking de 222 images et 37:00 mn de pose (filtre dual band)
Pichauris (13) - Lune éclairée à 53%