Une éclipse totale de Soleil est un évènement céleste majeur qui procure des émotions incroyables par son côté spectaculaire, rare et éphémère. J'ai beau en avoir déjà vu deux en 2006 et 2017, c'est le genre de spectacle dont je ne me lasse pas. Malheureusement ces dernières années elles se sont toutes produites loin de la France, obligeant les passionnés à entreprendre de grands voyages pour les observer. Le 8 avril 2024 une éclipse totale s'est déroulée en Amérique, avec une bande de visibilité qui a traversé le Mexique, les États-Unis et le Canada. J'ai entrepris un voyage dans l'état de New York pour tenter de l'observer, même si les statistiques météorologiques dans cette région d'Amérique ne sont pas particulièrement favorables. Quoi qu'il en soit, la destination reste intéressante pour le tourisme et je me dis que si nous ne parvenons pas à voir l'éclipse, il restera toujours la possibilité de faire quelques belles visites.

Le mercredi 3 avril, visite du sud de Manhattan sous la grisaille

Nous passons le début du séjour dans la ville de New York pour visiter l'île de Manhattan. Nous avons prévu le premier jour d'aller visiter la statue de la Liberté mais la météo est cataclysmique, pas de chance. Alors que nous avons quitté Marseille sous un Soleil généreux et des températures printanières, nous voilà replongés dans un hiver glacial, pluvieux et venteux.

Malgré les intempéries les ferries menant sur Liberty Island continuent de tourner sur la rivière Hudson. Depuis l’embarcadère nous pouvons deviner la silhouette de la statue monumentale qui se détache discrètement dans la grisaille. Heureusement en nous rapprochant de l'île, la célèbre "Liberté éclairant le monde" est sortie de la brume et nous avons pu admirer l’œuvre des français Auguste Bartholdi, Gustave Eiffel et Eugène Viollet-le-Duc.

De retour à Manhattan la météo empire, nous allons essayer tant bien que mal de visiter les quartiers du sud de l'île.

Nous traversons le quartier financier de Wall Street, ici tout est verticalité !

En remontant vers le nord nous croisons The Oculus, une architecture contemporaine étonnante qui a été construite sur le site de Ground Zero. Elle occupe l'emplacement de l'ancienne gare qui desservaient les tours du World Trade Center, détruites le 11 Septembre 2001 lors des attentats. Notez également la présence de l'interminable gratte-ciel du One Wolrd Trade Center en arrière plan de l'Oculus. Il s'élève à 546 mètres et sa flèche tutoie les nuages aujourd'hui.

L'intérieur de l'Oculus est vraiment impressionnant, on se croirait dans l'antre d'un vaisseau spatial ou dans le ventre d'un gigantesque monstre marin ! D'ailleurs de l'extérieur le bâtiment fait penser au squelette d'une baleine ou d'une immense raie, mais selon l'architecte l'oculus est censé représenter un oiseau qui prend son envol ...

Le jeudi 4 avril, New-York vue d'en haut

Bonne nouvelle, la pluie a cessé. Nous profitons de cette embellie pour aller admirer Manhattan depuis les hauteurs de l'Empire State Building. Ce célèbre gratte-ciel construit en 1931 culmine à 443 mètres d'altitude. Il a été immortalisé dans de nombreux films comme le vieux King Kong de 1933, c'est un véritable monument iconique de New-York !

L'Empire State compte deux belvédères, l'un se situe au 86ème étage (à une altitude de 320 mètres) et le second, se trouve un peu plus haut au 102ème étage.

Depuis l'observatoire du 86 ème étage du building la vue sur la ville est imprenable ! Voici les quartiers ouest avec l'Hudson River en fond.

Au 102ème étage nous nous retrouvons à l'air libre, ici il fait bien frais ! Nous sommes au belvédère mythique de l'Empire State Building, on ne compte plus les films qui ont été tournés en ces lieux ou les célébrités mondiales qui sont venues se photographier avec les fameuses binoculaires métalliques.

Vue vers le nord de Manhattan. Au loin on distingue un peu l'étendue boisée de Central Park, en grande partie cachée par les hauts buildings de Times Square.

Vue vers le sud de Manhattan, le quartier est dominé par le One World Trade Center qui culmine à 546 mètres ! Il s'agit du plus haut building d'Amérique. Remarquez également la présence de la statue de la Liberté, qui se dresse au loin sur sa petite île de l'Upper New York Bay.

Après un repas rapide typiquement new-yorkais nous partons explorer le quartier de Times Square. Alors là, nous sommes sur une autre planète. Ici tout n'est que démesure, entre la foule, les écrans géants, les sirènes qui hurlent à tue-tête et les empilements de buildings vertigineux, nous sommes plongés dans une agitation permanente, nous voilà au cœur de la fourmilière New-yorkaise.

Personnellement le coin réunit tout ce que je déteste et tout ce que je fuis habituellement, et pourtant je dois bien avouer que le décor est réellement impressionnant et unique en son genre, c'est une expérience qu'il faut vivre une fois dans sa vie.

Nous poursuivons nos visites de l'après-midi sur le porte avion USS Intrepid qui servit durant la seconde guerre mondiale. Ce navire ancien reste désormais à quai sur les rives de l'Hudson et accueille un musée consacré à l'histoire maritime et aérospatiale. 

Sur la piste d'envol nous pouvons découvrir de nombreux avions et hélicoptères anciens dont certains sont assez mythiques, à l'image du F14-Tomcat rendu célèbre grâce au film Top Gun avec Tom Cruise. C'est ce qu'il y a de génial à New York, même quand on n'est pas fan des mégapoles très urbanisées, ici on a toujours l'impression d'être dans un décor de film, peu importe où se porte notre regard, on reconnait une rue, un bâtiment, un monument que l'on a vu jadis dans une série ou sur le grand écran.

Mais mon œil d'astronome est surtout interpellé par un hangar floqué d'un logo de la NASA. Voici le bâtiment qui abrite la navette spatiale Enterprise ! Elle fut baptisée ainsi sous la pression des fans de la série Star trek qui voulaient faire référence au célèbre vaisseau spatial Enterprise commandé par le capitaine Kirk. La navette spatiale Enterprise fut la première construite par la NASA, elle n'est jamais partie dans l'espace mais a servi entre 1976 et 1977 à des vols expérimentaux pour tester les aptitudes d'approche et d'atterrissage des futures navettes. Je dois dire que je suis impressionné, je n'imaginais pas que les navettes spatiales étaient aussi grandes ! Mais c'est somme toute logique, quand on pense que l'une d’entre elles a transporté le télescope spatial Hubble !

Le hangar abrite également une exposition consacrée à l'épopée des missions habitées à destination de la Lune. La visite est très intéressante, on y découvre le contexte géopolitique de l'époque, la rivalité avec l'Union Soviétique, des journaux commémorant le premier pas sur la Lune, un échantillon de roche lunaire, et on peut même s'installer au poste de pilotage d'une réplique du rover lunaire !

Pour finir en beauté cette journée bien remplie, rien de tel qu'une balade à High Line park, et un bon resto italien dans le quartier de Chelsea ! (Don Giovanni NY)

Le vendredi 5 avril, dernier jour à Manhattan

Aujourd'hui nous commençons les visites par le Muséum d'histoire naturelle, situé aux abords de Central Park.

Impossible de visiter l'intégralité du musée dans le peu de temps qui nous est imparti mais je ne manque pas de faire un petit tour au planétarium Hayden. Ce planétarium est vraiment original, il se présente sous la forme d'une immense sphère. J'ai l'occasion d'assister dans sa partie inférieure à une projection appelée le "Big bang Theater" qui décrit les début de l'Univers. La projection est effectuée sur l'intérieur concave de la sphère et s'admire en regardant vers le bas, ce qui est très original pour une animation de planétarium où l'on a plutôt l'habitude de tourner la tête vers le haut. L'effet de relief de la projection est vraiment plaisant, c'est une belle animation. 

En tant qu'astronome amateur j'ai plus particulièrement apprécié la salle des météorites. On y trouve notamment d'énormes fragments de la Cap York, une sidérite tombée il y a près de 10 000 ans au nord-ouest du Groenland. La plus grosse masse est exposée ici, elle pèse 31 tonnes !

Une vitrine attire le regard, elle présente une collection de pallasites. Il s'agit de météorites métalliques dont les matrices de fer et de nickel sont incrustées d'olivines. Ces météorites sont vraiment spectaculaires, de véritables joyaux venus du ciel !

Le Gilder center for science est une nouvelle aile du museum d'histoire naturelle qui a du style ! Son design est inspiré par les grands canyons américains.

Mais l'étage qui a le plus de succès semble être celui consacré aux dinosaures. Le "Hall" présente une collection de fossiles des plus célèbres des reptiles du Jurassique et du Crétacé, on peut y découvrir des squelettes de stégosaure, apatosaure, tyrannosaure, carnotaure, ou autre tricératops.

Le plus impressionnant d'entre eux est certainement le titanosaure, un sauropode de 32 mètres de long !

A côté de ces géants préhistoriques les petits écureuils de Central Park paraissent bien minuscules !

Nous achevons notre aventure New-yorkaise sur le pont de Brooklyn à la nuit tombante. Les tours des quartiers sud s'illuminent et nous offrent un spectacle saisissant.

La musique de Blade Runner raisonne dans ma tête devant cette "city of lights", il ne manque que les voitures volantes.

Le pont de Brooklyn qui enjambe l'East River est un fabuleux lieu de promenade. Ce pont est certainement le plus emblématique de New-York, il apparaît lui aussi dans de nombreux films.

Le samedi 6 avril, en route pour le nord de l'état de New York

Ce matin nous quittons Manhattan en direction de Painted Post, une petite ville située dans le nord de l'état de New York. Une longue journée de route nous attend pour nous rapprocher de la bande de centralité de l'éclipse de Soleil. En effet, à New York City le Soleil ne sera éclipsé qu'à 91%.

Sur l'autoroute des panneaux électroniques recommandent aux conducteurs d'être prudents durant la durée de l'éclipse de Soleil à cause de la chute brutale de la luminosité.

Le dimanche 7 avril, journée ensoleillée aux chutes du Niagara

Nous voilà la veille de l'éclipse totale de Soleil. Cette journée est très ensoleillée, la météo est idéale pour partir visiter les célèbres chutes du Niagara. Nous avons une bonne matinée de route pour rejoindre la ville de Buffalo, puis le parc de Niagara Falls qui jouxte la frontière canadienne.

Sur le trajet nous traversons de jolis villages paisibles, après la grande ville c'est très agréable de découvrir l'Amérique rurale.

J'adore les granges américaines, on se croirait devant la ferme des Kent dans la série Smallville !

Au bout de 2 heures de route nous arrivons à Buffalo, la seconde ville la plus peuplée de l’État de New York. Le paysage redevient très urbain.

 Nous approchons du parc des chutes du Niagara.

La NASA s'est installée sur le site très touristique de Niagara Falls pour distribuer des lunettes de protection permettant d'observer l'éclipse totale de Soleil en toute sécurité et donner des explications sur le phénomène. Demain, près d'un million de visiteurs sont attendus sur le spot pour l'observation du phénomène !

Des associations de bénévoles tiennent également des stands pour expliquer les rouages de la mécanique céleste et comprendre comment se produit une éclipse totale de Soleil.

Les chutes du Niagara comportent trois grandes chutes sur la rivière Niagara, elles sont situées à la frontière des États-Unis et du Canada et font la jonction entre le lac Erié et le lac Ontario.

Depuis la rive américaine nous surplombons les chutes et de l'autre côté de la rivière Niagara nous pouvons observer la ville canadienne de Toronto.

Le mieux pour pouvoir bien contempler les chutes est d'embarquer pour une petite croisière de la compagnie "Maid of the mist" qui propose de nous emmener en bateau jusqu'au brouillard d'embruns des cascades ! Mais pour affronter les plus puissantes chutes d'Amérique du Nord il va falloir s'équiper d'un somptueux poncho digne du village des Schtroumpfs !

Les chutes du Niagara se sont formées à la suite de la période glaciaire, il y a 30 à 50 000 ans. Elles dépassent 50 mètres de hauteur mais elles sont surtout très larges.

Depuis la rivière Niagara la vue est fantastique, le débit des chutes est impressionnant. Les énormes quantités d'eau qui se déversent sur les rochers crée un puissant grondement.

Dans l'enceinte des chutes du "Horseshoe Falls" il y a tellement d'embruns qu'on se retrouve dans un véritable nuage de vapeur d'eau. On comprend pourquoi la compagnie nous a offert des k-way de protection, nous nous faisons littéralement arroser et mon appareil photo est complètement trempé, heureusement il a survécu à l'expérience !  Grâce au beau temps nous avons même la chance de voir apparaître un double arc-en-ciel au pied des chutes, le spectacle est fantastique !

Le lundi 8 avril, jour de l'éclipse !

Le jour J est arrivé ! Malheureusement aujourd’hui le ciel est extrêmement couvert sur l'ensemble de l'état de New-York, c'est vraiment la poisse quand on pense à la météo ensoleillée dont nous avons bénéficié la veille. Après consultation de tout un tas de sites météorologiques et après avoir mené une étude attentive des cartes satellites, nous nous rendons compte que nous sommes bel et bien encerclés par les nuages et que nous avons peu d’échappatoires. Nous tentons finalement de faire une virée au nord de Syracuse où la grisaille à l'air moins dense, nous verrons bien.

Malgré les kilomètres avalés le ciel est resté désespérément couvert d'une épaisse chape nuageuse. Nous commençons à être franchement inquiets ...

Les heures passent, l'éclipse partielle a déjà commencé et nous ne voyons toujours pas d'issue miraculeuse. Il nous semble inutile de continuer à avancer vers une illusoire zone d'éclaircie et nous n'avons désormais d'autres choix que de nous en remettre à la chance. Nous nous installons en urgence sur la pelouse du vieux cimetière de Riverside établit en 1814 sur les berges de la Salmon River dans un patelin perdu répondant au nom de Pulaski. Nous sommes quelque part entre Syracuse et Watertown, non loin du grand lac Ontario.

15h - J'installe rapidement ma petite lunette TS Optics AP 60/360 mm ED mais comme toujours, dans ces instants où le stress de l'urgence prédomine, le matériel est toujours peu coopérant. Voilà que la bague du correcteur de champ ne veut pas se visser sur l'arrière de la lunette et me fait perdre un temps précieux juste au moment où une trouée laisse apparaître le Soleil ! Dans ces cas-là il faut prendre une bonne respiration et garder son calme, ça va bien finir par marcher !

Cette fois-ci c'est bon, le matériel est enfin prêt et je peux commencer la séance photo. Il était temps car le Soleil est déjà occulté à moitié.

La lunette commence à se mettre en température et l'image s'affine petit à petit. Le Soleil est maintenant occulté aux deux-tiers. Sur la frange encore visible de notre étoile je distingue deux petites taches solaires.

La tache solaire AR 3633 s'apprête à bientôt disparaître derrière le disque sombre de la Lune.

Le croissant de Soleil joue avec les nuages.

L'éclipse avance bien, je ne vois pas le temps passer. Les nuages continuent à défiler et ils sont parfois très opaques, ça commence à sérieusement m’inquiéter... La phase de totalité sera-t-elle assez lumineuse pour traverser cette soupe trop épaisse ?

Voilà qu'il ne reste qu'un très fin croissant de Soleil, c'est pour bientôt, l’excitation est à son comble ! La phase partielle s'achève, il va bientôt être temps de retirer le filtre solaire de l'avant de la lunette.

15h23 - Je jette un coup d’œil rapide au paysage environnant et je suis surpris de voir l'ombre de la Lune fondre sur nous tel une vague noire qui nous a avalé en un instant. Parfois les mauvaises choses ont du bon, grâce à la couverture nuageuse l'ombre était particulièrement bien tranchée, je ne l'avais jamais aussi bien vue.

La période de totalité commence, quelle ambiance avec ce ciel nuageux ! L'obscurité devient profonde, nous entrons dans un moment hors du temps extrêmement impressionnant où tout est chamboulé. En nous plongeant dans les ténèbres les animaux vivants dans les arbres du cimetière se sont mis à faire un vacarme à réveiller les morts.

En levant la tête vers le ciel je cherche désespéramment le disque sombre du Soleil éclipsé, mais en ce début de totalité les nuages sont vraiment épais et nous gâche le spectacle. Malédiction ! A travers le viseur du Canon 500D je finis par le trouver, voici un bout de limbe qui jaillit du néant, j'y distingue même une petite protubérance ! L'espoir renaît.

Par moment je parviens à distinguer la totalité du disque sombre de la Lune, il est entourée d'une aura diffuse et claire. Cette apparence fantomatique à quelque chose de très artistique, la clarté de la vision n'est pas au niveau de ce que j'attendais mais pourtant cette observation me subjugue. Voir le Soleil apparaît et disparaitre au gré des vagues nuageuses ajoute encore une touche d'exception à cette vision fugace et rare. J'en savoure d'autant plus chaque seconde d'observation. 

La période de totalité touche déjà à sa fin, à cause des nuages j'en ai malheureusement raté une bonne partie et les 3 mn et 30 secondes ne m'ont paru durer que 20 secondes ! Heureusement j'ai pu saisir les moments importants de l'éclipse, voilà désormais qu'apparaissent les Grains de Baily !  A cet instant certains rayons de Soleil parviennent à s'infiltrer à travers les irrégularités du relief lunaire en créant une succession de petits points lumineux ressemblant à un rang de perles.

Le ciel commence à s'éclaircir et à travers une fine trouée je parviens également à immortaliser le flash lumineux de l'Effet Diamant qui témoigne de la réapparition de l'éclatant disque solaire:

Un nuage opaque me permet de distinguer à nouveau des grains de Baily en atténuant la puissante lumière solaire. 

Il est temps de rechausser le filtre solaire à l'avant de la lunette. Nous échangeons nos impressions et nous sommes heureux d'avoir pu suivre le déroulement de l'éclipse malgré ces conditions d'observation peu évidentes. Faire des photos avec des passages nuageux plus ou moins opaques aura été un véritable défi, il m'a fallu changer de très nombreuses fois de temps de pose pour faire ressortir les différents détails.

Voilà une nouvelle éclipse totale de Soleil qui s'achève. Nous sommes heureux d'avoir pu la suivre même si les nuages nous en ont fait baver. Un grand merci à Richard de nous avoir proposé ce beau voyage, merci à la NASA pour nous avoir offert les lunettes de protection spéciales éclipses, on ne rappelle jamais assez qu'il faut bien se protéger lors de l'observation de la phase partielle d'une éclipse.

Et un grand merci à Gina d'avoir pris le temps de réaliser les belles photos d'ambiance de cette éclipse.